Détail
Les conférences ABCD: pour une science intégrative et durable
24 avril 2020 |
Un nouveau format de conférence est destiné à faciliter un changement urgent dans le domaine de la science. Des chercheurs du monde entier, tous genres confondus et issus de divers milieux culturels ou ethniques seront explicitement invités à participer aux conférences scientifiques et aux réseaux de chercheurs. On sait en effet que les groupes intégratifs et mixtes sont mieux à même de développer de nouvelles approches et de trouver des solutions aux problèmes complexes. Le nouveau format doit simultanément permettre de réduire l’empreinte écologique des conférences et workshops.
Un réseautage transfrontalier des chercheurs
À l’heure actuelle, les conférences scientifiques réunissent en règle générale des acteurs d’un même champ de recherche, souvent les mêmes personnes qui représentent un secteur du monde scientifique assez restreint. De plus, nombreux sont ceux qui viennent de loin et voyagent en avion. Cela n’entraîne pas seulement de fortes émissions de CO2, mais exclue aussi des acteurs de pays aux ressources financières limitées. «Nous pensons que cela doit changer – à la fois dans l’intérêt de la société et dans celui de la science», réclame Ole Seehausen, chef de département à l’Institut de recherche sur l’eau Eawag et professeur d’écologie et d’évolution aquatiques à l’Université de Berne. «Nous souhaitons relier virtuellement les chercheurs au-delà des frontières des réseaux actuels».
C’est ainsi que Ole Seehausen, Florian Altermatt, chef de groupe à l’Eawag et professeur d’écologie aquatique à l’Université de Zurich et Rosetta Blackman, chercheuse postdoc à l’Eawag, ont développé le nouveau format ABCD des conférences scientifiques. ABCD: tous les continents (all continents), rapport équilibré des genres (balanced gender), transport à faibles émissions de carbone (low carbon tranport) et divers contextes (diverse backgrounds). Ce format combine trois types de conférences: retransmises en direct, enregistrées et données en personnes. Cela permet de mettre en exergue un vaste éventail de perspectives, de réduire l’empreinte écologique et de minimiser simultanément les obstacles pour les acteurs provenant de pays économiquement moins bien lotis, à condition que le site physique où se tiennent les conférences alterne entre les continents.
Premières constatations du World Biodiversity Forum
L’équipe de chercheurs a immédiatement mis en pratique sa proposition afin de tester et de démontrer sa faisabilité. Lors du «World Biodiversity Forum» qui s’est tenu du 22 au 28 février 2020 à Davos, Suisse, il a organisé la session «Aquatic Biodiversity: state and challenges ahead» selon le nouveau format. Les possibles intervenants ont été sélectionnés selon les critères ABCD, en plus de leur excellence et leur pertinence scientifique. Les options qui leur ont été proposées avant la session étaient d’intervenir soit via le live-streaming, soit en enregistrant les conférences au préalable, soit en participant personnellement à la conférence à condition de voyager écologiquement.
Les expériences faites ont été diversifiées et instructives. Les intervenants ont utilisé les trois formats d’exposé. Lors de l'organisation de la session il est apparu que la mise en œuvre des critères A, B et D s’avère assez compliquée car notre propre réseau scientifique se limite à des chercheurs d’Europe, d’Amérique du Nord et de quelques autres lieux. Par ailleurs, de nombreux chercheurs sollicités n’ont pas réagi à l’invitation de tenir une conférence. «Pour résoudre ces difficultés, nous devons étendre nos propres réseaux au-delà de notre voisinage culturel et scientifique», déclare Blackman.
Ice-breaker virtuels pour le networking
Les participants ont rapporté qu’il fallait aussi planifier des plages de temps pour le networking et les échanges lors d’une conférence ABCD. Fréquemment, les pauses sont la principale raison de participer à des conférences car ce sont les moments où l’information circule et où se nouent les contacts entre chercheurs. L’équipe de chercheurs propose par conséquent d’organiser des «ice-breaker» virtuels avec tous les intervenants avant les manifestations. Il est aussi important de prévoir suffisamment de temps pour les débats après chaque conférence. Pour cela, les intervenants mais aussi le public devront être diffusés en direct afin de faciliter les échanges. Et enfin, mais important aussi, les réseaux sociaux offrent de nouveaux moyens pour créer des réseaux dédiés.
Mais la durabilité n’est pas le seul secteur où le besoin de nouveaux formats pour les conférences scientifiques s’amplifie. La demande augmente aussi en cette période de crise du COVID-19 et les restrictions de déplacement imposées au niveau régional et global. «Nous espérons que le format ABCD sera employé pour les conférences mais aussi pour les rencontres d’autres groupes de travail ou projets de recherche. Nous croyons qu’une approche intégrative et durable réduira d'une part les inégalités et la pollution. Mais elle sera d’autre part aussi essentielle pour trouver des solutions aux défis complexes posés à la recherche sur la durabilité», déclare Altermatt avec conviction.
Article original
A meeting framework for inclusive and sustainable science
http://dx.doi.org/10.1038/s41559-020-1190-x