Détail
Les hybrides favorisent la diversité des poissons dans les lacs d’Afrique orientale
5 décembre 2019 |
Dans le monde animal, lorsque deux individus d’espèces différentes s’accouplent, leur progéniture est appelée un « hybride ». Par le mélange des génomes, il arrive dans certains cas que se forment des phénotypes qui s’adaptent mieux aux nouvelles conditions environnementales que les deux espèces parentales. Souvent les hybrides ne sont pas aptes à la reproduction, mais il y a bon nombre d’exceptions, par exemple chez les cichlidés. De telles populations hybrides capables de se reproduire peuvent donner naissance à de nouvelles espèces. Dans d’autres cas, les hybrides s’adaptent cependant moins bien et contribuent peu au patrimoine génétique des générations futures. Les cas qui se présentent dépendent entre autres du nombre de niches écologiques non utilisées dans l’habitat des hybrides.
Ole Seehausen et son équipe de l’Eawag et de l’université de Berne ont montré dans plusieurs travaux antérieurs que l’hybridation dans les lacs africains joue vraisemblablement un rôle important dans l’apparition de la diversité des espèces. Seehausen et son collaborateur Oliver Selz ont maintenant mené des expériences en laboratoire avec des cichlidés du lac Victoria en Afrique en vue d’étudier les mécanismes écologiques sous-jacents.
Ils découvrirent que les hybrides sont moins efficaces que les espèces parentales concernant l’utilisation de la nourriture dans laquelle les espèces parentales se sont spécialisées. Par contre si l’offre est étendue au-delà des niches écologiques des espèces parentales, les hybrides peuvent souvent mieux conquérir ces nouvelles niches que leurs espèces parentales. C’est pourquoi des écosystèmes très variés offrant des niches encore inoccupées pourraient favoriser la formation de nouvelles espèces.
L’hybridation a favorisé la spéciation dans le lac Mweru
Une étude parue également récemment dans le magazine spécialisé Nature Communications souligne l’influence de l’hybridation dans la spéciation. Joana Meier et Ole Seehausen ont étudié en collaboration avec une équipe internationale de chercheurs la diversité et l’histoire évolutionnaire des poissons de deux grands lacs africains très proches l’un de l’autre le lac Bangweulu et le lac Mweru. Tandis que onze espèces ont colonisé le lac Mweru depuis le fleuve Congo et le fleuve Zambèze, seules six espèces venant du Zambèze sont parvenues dans le lac Bangweulu.
Les chercheurs ont maintenant pu démontrer que dans le lac Mweru, environ 40 nouvelles espèces sont issues de populations hybrides nées de croisements entre les espèces du Congo et du Zambèze. Dans le lac Bangweulu par contre, les chercheurs n’ont pas trouvé de nouvelles espèces ni d’hybridation entre les espèces colonisantes. « Les études montrent que l’hybridation entre deux espèces peut dans certaines conditions contribuer à la naissance de nombreuses nouvelles espèces », conclut Ole Seehausen.