Détail

L’évaluation biologique des cours d’eau face au changement climatique

3 octobre 2024 | Bärbel Zierl

Les invertébrés aquatiques sont utilisés comme bio-indicateurs pour évaluer la qualité des cours d’eau suisses. La composition spécifique de ces petits organismes évolue néanmoins avec le changement climatique. Sur demande de l’OFEV, l’Eawag a analysé l’impact de la hausse des températures sur l’évaluation des cours d’eau. Résultat: les indicateurs conservent vraisemblablement leur pertinence, au moins pour les prochaines décennies.

Quel est l’état de nos cours d’eau? Une question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Les petits organismes invertébrés vivant au fond de l’eau, tels que les larves d’insectes, les petits crustacés, les escargots, les coquillages et les vers, fournissent une indication. En effet, de nombreuses espèces prospèrent uniquement si le cours d’eau dans lequel elles vivent répond à leurs exigences élevées. Il doit être propre et offrir une multitude d’habitats différents. C’est pourquoi ces êtres aquatiques servent de bio-indicateurs pour la qualité de l’eau et font l’objet d’une observation précise dans toute la Suisse.

Les études analysent si la biocénose est proche de l’état naturel et adaptée au site, et si sa diversité correspond à celle de cours d’eau peu pollués. Si tel n’est pas le cas, des mesures sont indiquées conformément à la loi sur la protection des eaux pour améliorer la qualité de l’eau. La revitalisation de tronçons du cours d’eau constitue l’une des possibilités envisageables.

Des indices aident à juger de la qualité des cours d’eau

En Suisse, les services cantonaux de la protection des eaux surveillent la qualité dans le cadre de programmes de surveillance cantonaux et nationaux comme la NAWA (Observation nationale de la qualité des eaux de surface). Le système modulaire gradué codéveloppé par l’Eawag indique précisément comment les petits animaux aquatiques doivent être recensés, garantissant ainsi un comptage uniforme au niveau national. Les données recueillies permettent de calculer différents indices. L’indice EPT de richesse des espèces est par exemple une mesure pour la biodiversité des éphéméroptères, plécoptères et trichoptères. L’indice IBCH évalue l’état général du tronçon de cours d’eau analysé. L’indice SPEARpesticides mesure plus spécifiquement la pollution chimique de l’eau. Ces indices forment la base pour planifier et mettre en œuvre des mesures de protection des eaux, le cas échéant, ainsi que pour en évaluer l'efficacité.

Le réchauffement climatique provoque à la fois la hausse des températures de l’air et de l’eau. Conséquence: une modification considérable des biocénoses des cours d’eau suisses. Quelle en est l’incidence sur les indices? Restent-ils pertinents? Sont-ils toujours des indicateurs utiles pour la qualité de l’eau? Sur demande de l’office fédéral de l’environnement OFEV, l’institut de recherche sur l’eau Eawag a creusé ces questions.
 

Un groupe de chercheuses et chercheurs de l’Eawag a soumis les indices susmentionnés à une espèce de test de stress. Il a utilisé plusieurs scénarios de température et simulé la manière dont le réchauffement des cours d’eau impactera la biocénose des petits invertébrés en Suisse à l’aide de modèles de répartition des espèces à variantes multiples. Il est ensuite possible de calculer les indices EPT, IBCH et SPEARpesticides à partir de la modélisation des espèces présentes. Les scientifiques peuvent alors en déduire comment le réchauffement climatique pourrait influencer ces indices au cours du XXIe siècle. Les données de base étaient celles du Monitoring de la biodiversité en Suisse (MBD), de l’observation nationale de la qualité des eaux de surface (NAWA) ainsi que des programmes cantonaux de surveillance des cours d’eau, avec un total de 1’802 prélèvements pour les années 2010 à 2019.

La pertinence des indices est vraisemblablement préservée malgré le réchauffement climatique

Les résultats montrent que la progression du réchauffement climatique modifiera la vie dans les cours d’eau suisses. La composition spécifique des petits invertébrés va sensiblement se décaler, des espèces aimant le froid vers celles aimant le chaud. Les indices suscités perdent-ils alors de leur pertinence? Les chercheuses et chercheurs répondent globalement par la négative. Les indices simulés varient peu dans la fourchette d’une hausse des températures réaliste pour ce siècle. Les scientifiques supposent donc que les indices utilisés sont assez solides pour encore évaluer la qualité de l’eau au cours des prochaines décennies. Le groupe de recherche précise toutefois que les prévisions des modèles doivent être interprétées avec prudence. Pour les espèces rares en particulier, la modélisation de la propagation est liée à une incertitude, et le modèle réagit de façon plutôt conservatrice aux facteurs d’influence. Par conséquent, des effets plus marqués du réchauffement sur la qualité des cours d’eau ne peuvent pas être exclus.

Cette étude était le premier projet réalisé en commun par l’Eawag et l’OFEV dans le cadre du programme de recherche Changement climatique et biodiversité aquatique.

Photo de couverture: Confluence de la Limmat et de l’Aar (photo: Jan Ryser/OFEV)

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