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Bientôt des prévisions climatiques pour l'univers
28 novembre 2012 |
Le Soleil représente à lui seul plus de 98% de la masse totale de notre système solaire et maintient les planètes sur leurs orbites grâce à son champ gravitationnel. L’action réciproque des planètes sur le Soleil était considérée jusqu’ici comme négligeable, un peu comme la comparaison entre un moustique et un éléphant. Or, même une petite piqûre de moustique faite au bon endroit peut suffire à exciter un gros éléphant. Ainsi, une équipe internationale de chercheurs démontre que quelque chose de similaire pourrait se passer avec notre gigantesque Soleil. Le moment cinétique de rotation relativement faible que les planètes exercent de leur côté sur le Soleil a un effet: Il semble être à l’origine des cycles de longue durée de l’activité solaire. Les périodes observées et déjà connues de 88, 104, 150, 208 et 506 années correspondent pour les derniers 10'000 ans exactement aux modifications périodiques du moment cinétique de rotation que les planètes exercent sur une couche mince du Soleil. Selon l’état actuel des connaissances, cette zone de transition, appelée tachocline, entre la zone radiative et la zone convective au centre du Soleil joue un rôle fondamental dans la génération du champ magnétique solaire. Les chercheurs présument que le moment cinétique de rotation que les planètes exercent sur cette couche a une action semblable à celle de la Lune sur la Terre, qui est à l’origine des marées. De petites modifications de la tachocline pourraient donc avoir des incidences sur la survenue d’éruptions solaires.
Le rôle des planètes comme générateur externe de cycles
Dans leur rapport dont la publication est prévu pour décembre dans la revue Astronomy & Astrophysics*, les principaux auteurs José Abreu (Eawag/EPFZ) et Jürg Beer (Eawag/EPFZ) montrent pourquoi ils sont tellement convaincus de l’influence des planètes sur le Soleil. Ils ont analysé les cinq cycles les plus significatifs de l’activité solaire au cours des 10‘000 dernières années et constaté que les minima et maxima réapparaissent exactement au même rythme s’il leur arrive dans l’intervalle de s’affaiblir ou même de disparaître complètement pendant quelque temps. «Tout indique qu’il existe un générateur externe de cycles», en conclut Jürg Beer, «et seules les planètes peuvent en être à l’origine, à vrai dire.»
L’archivage des rayons cosmiques dans les glaces permanentes
Des informations directes sur le nombre de taches solaires servant à mesurer l’activité solaire n’existent que depuis environ 400 ans, depuis que l’on observe le Soleil avec des télescopes. Si l’on veut remonter plus loin dans l’histoire de l’activité solaire, sur les derniers 10'000 ans, l’on dépend alors d’informations indirectes. Les chercheurs les ont recueillies à partir de carottes de glace extraites en Antarctique et au Groenland et renfermant les radionucléides produits par le rayonnement cosmique. Lorsque le Soleil est relativement calme, le rayonnement cosmique qui pénètre dans l’atmosphère est plus important, et de ce fait, la production de radionucléides augmente, car le champ magnétique solaire qui fait écran est plus faible. Pour leur étude, les auteurs ont pris en compte non seulement les données du béryllium (10Be) provenant de la glace, mais aussi celles du carbone (14C) tirées de cernes de bois fossiles. Les deux séries chronologiques coïncident parfaitement.
Une nouvelle image du Soleil
Abreu et Beer qualifient encore prudemment leurs conclusions d’hypothèse. Mais si les résultats de leur équipe se confirment, ils sont d’une importance cruciale. D’une part, ils contribuent à améliorer notre compréhension du Soleil et à en concevoir des modèles plus réalistes. D’autre part, ils peuvent aider à faire des prévisions fiables du «climat de l’espace» ou même de la «météo de l’espace», ce qui est d’une importance extrême dans la perspective de voyages spatiaux plus longs. Mais ceux qui restent sur terre sont également affectés par l’activité magnétique qui a lieu sur le Soleil. Car la société est de plus en plus dépendante d’équipements techniques vulnérables (voir encadré).
Électronique sensible
Les Super-Flares (en français flamboiement) sont des explosions de plasma cataclysmiques à la surface du Soleil, qui propulsent des milliards de tonnes de gaz dans son atmosphère et donc dans l’espace causant des tempêtes magnétiques sur la Terre. Les satellites, l’électronique embarquée des avions, les réseaux électriques, les signaux radio etc. peuvent être affectés ou même détruits par de tels événements. En 1859, l’éruption solaire observée par l’astronome britannique Richard Carrington n’a provoqué que des perturbations du réseau télégraphique nouvellement créé entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Aujourd’hui, on estime que le préjudice économique direct d’une éruption solaire d’une telle ampleur à plus de deux mille milliards de dollars (2x1012!), rien que pour les États-Unis. La question reste ouverte de savoir si une meilleure compréhension des processus magnétiques du Soleil contribuerait à prédire la fréquence et la puissance de telles éruptions. «Nous sommes encore très loin de pouvoir lancer des avis de tempête », admet le chercheur Jürg Beer. Mais les travaux tout récents constituent une étape sur la voie permettant au moins de mieux expliquer le «climat» à long terme dans l’espace.
Article original
Is there a planetary influence on solar activity? J. A. Abreu, J. Beer, A. Ferriz-Mas, K.G. McCracken, and F. Steinhilber; Astronomy & Astrophysics; volume 548; December 2012; Published online 28 November 2012 http://dx.doi.org/10.1051/0004-6361/201219997
Graphics
Images et vidéos du Nasa Solar Dynamics Observatory SDO sur
http://sdo.gsfc.nasa.gov