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Des millions de gens boivent de l’eau polluée à l’arsenic
21 mai 2020 |
À ce jour, un tiers de la population mondiale puise son eau potable ainsi que l’eau destinée à l'irrigation dans les nappes phréatiques. La croissance de la population mondiale et la pénurie d’eau due au changement climatique exercent une pression en hausse constante sur les ressources. Néanmoins, de nombreux puits sont contaminés par l’arsenic qui y est naturellement présent. S'il est ingéré à long terme, ce semi-métal peut entraîner des lésions du foie, des reins et du cœur et provoquer le cancer.
L’équipe du département Ressources en eau et en eau potable de l’Eawag, réunie autour de Michael Berg, a déjà signalé dans plusieurs études quelle était l’ampleur de la pollution des nappes phréatiques à l’arsenic: les chercheurs ont d’une part trouvé des concentrations d’arsenic toxiques dans les nappes phréatiques lors de leurs travaux sur le terrain au Cambodge, au Vietnam ou en Amazonie. Ils ont d’autre part élaboré des cartes de risque régionales pour la Chine, le Pakistan et l’Asie du Sud-Est.
La carte de risque mondiale la plus détaillée
Désormais les chercheurs qui travaillent avec le géophysicien de l’Eawag Joel Podgorski ont établi un modèle de risque mondial. Celui-ci est basé sur un algorithme auto-apprenant auquel on fournit les données les plus récentes sur la géologie, les caractéristiques du sol, le climat et près de 200 000 mesures ponctuelles des concentrations d’arsenic. «Le résultat est la carte de risque la plus précise et la plus détaillée à ce jour à l’échelle mondiale de la pollution des nappes phréatiques à l’arsenic», explique Podgorski, principal auteur de l’étude. Celle-ci a été publiée dans le magazine scientifique renommé «Science» et a été co-financée par la Direction du développement et de la coopération (DDC).
Outre les paramètres géologiques, ce modèle de risque intègre aussi des chiffres sur les densités de populations ainsi que des statistiques sur l’utilisation des nappes phréatiques. Les chercheurs ont ainsi pu calculer que 94 à 220 millions de personnes sont potentiellement touchées par une pollution de l’eau potable à l’arsenic.
Alors que certains sites célèbres sont connus depuis longtemps, comme certaines parties de l’Asie du Sud et du Sud-Est par exemple, ils ont aussi identifié des zones jusqu’alors inconnues. Ainsi la carte de risque indique par exemple certaines parties d’Asie centrale et de la région du Sahel, ainsi que d’autres régions d’Afrique, comme étant des zones potentiellement polluées à l’arsenic.
La modélisation possède une résolution trop faible pour pouvoir déterminer la pollution à l’arsenic de chaque puits dans les nappes phréatiques. «Les cartes servent de support afin de déterminer où des tests ciblés sur l’arsenic doivent être réalisés», déclare Michael Berg.
Plateforme GIS en ligne GAP: faciliter le travail de recherche local L’élaboration de cartes de risque sur l’arsenic est coûteuse et il n'est souvent pas possible aux autorités des pays en voie de développement, dont les moyens techniques et financiers sont limités, de les réaliser à eux seuls. Grâce au soutien financier de la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC), l’Eawag a développé avec Ernst Basler + Partner et Hydrosolutions une solution en ligne, mise gratuitement à disposition de toutes les personnes intéressées: la Groundwater-Assessment-Plattform GAP (www.gapmaps.org). Les scientifiques du monde entier ont ainsi la possibilité de visualiser leurs propres données à moindre coût et d’élaborer leurs propress cartes de risque locales sur la pollution à l’arsenic mais aussi au fluorure.
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Photo de couverture: Podgorski et al. 2020
Publication originale
Joel Podgorski and Michael Berg (2020). Global threat of arsenic in groundwater. Science.
Données originales
Les ensembles de données de cette étude sont disponibles sous forme de données de recherche ouvertes:
https://doi.org/10.25678/0001ZT