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Gestion urbaine de l’eau: des pistes pour un avenir flexible

11 mai 2020 | Bärbel Zierl

Comment gérer l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées de manière flexible et responsable, en particulier dans les villes à forte croissance? Un nouvel agenda de recherche formule des questions ouvertes selon une perspective technique, sociale et transformatrice. Il souligne l’importance d’une collaboration transdisciplinaire entre la recherche, la politique et la pratique, pour encourager les innovations dans le secteur de l’eau.

En Suisse, de l’eau potable propre jaillit tous les jours du robinet. Une fois consommée, elle est transportée par les canalisations jusqu’aux stations centrales d’épuration, où elle est nettoyée avant d’être renvoyée dans le circuit d’eau. Ce système a fait ses preuves depuis de nombreuses décennies. Pourtant, la croissance des villes, le changement climatique, la protection de l’environnement et la raréfaction des ressources placent la gestion urbaine de l’eau face à de nouveaux défis. Pas seulement en Suisse mais dans le monde entier, à commencer par les pays en voie de développement.

Comment concevoir le système pour qu’il puisse s’adapter de manière flexible à un contexte en mutation? Comment répondre à des besoins tels que le recyclage de l’eau, des nutriments et de l’énergie? Comment renforcer le pouvoir d’innovation des institutions impliquées? Et comment favoriser de manière ciblée l’acceptation par la population des nouvelles technologies?

Publication du nouvel agenda

C’est pour répondre à ces questions qu’un groupe international de chercheurs dirigé par Sabine Hoffmann, responsable du programme de recherche Wings à l’Institut de recherche sur l’eau Eawag, a élaboré collectivement un agenda de recherche interdisciplinaire pour l’avenir de la gestion urbaine de l’eau. Cet agenda a récemment été publié dans le journal «Environmental Science & Technology». «La coopération entre différentes disciplines est cruciale. En effet, lorsque la recherche, la politique et la pratique travaillent de concert, il devient alors possible de développer des solutions durables et applicables pour des villes différentes et leurs besoins respectifs».

Le développement de nouvelles technologies constitue une étape particulièrement importante. Dans quelques pays industrialisés, on observe d'ores et déjà un transfert progressif des centrales conventionnelles vers des systèmes alternatifs décentralisés: des systèmes d’eau sans connexion au réseau pour des bâtiments individuels ou avec de petits réseaux pour quelques bâtiments ainsi que des systèmes hybrides, qui intègrent les systèmes locaux en un seul grand réseau. Ces alternatives sont non seulement flexibles mais permettent aussi de récupérer de précieuses matières premières telles que l’eau, les nutriments et l’énergie, en plus de nettoyer localement les eaux usées. «Il est important d’encourager de manière ciblée et de donner de la visibilité à de tels développements de niche car leur application sur le marché reste jusqu’ici limitée à quelques rares endroits dans le monde», déclare Sabine Hoffmann.

Prise en compte des normes culturelles

Mais les progrès technologiques ne suffisent pas pour garantir la gestion urbaine de l’eau de demain. Des processus de changement sont nécessaires à différents niveaux. Les lois, les règlements et les normes de santé doivent être repensés et le cas échéant modifiés. La mentalité des urbanistes, des architectes, des techniciens des eaux usées et des installateurs sanitaires doit évoluer. Les normes culturelles doivent être repensées, concernant par exemple l’utilisation adéquate des toilettes. Pour certaines toilettes équipées de la technologie NoMix, il faut par exemple s’asseoir pour permettre à l’urine de s'évacuer et la collecter séparément. Cependant, le fait de s’asseoir sur les toilettes n’est pas courant dans de nombreux cercles culturels. Le «facteur répulsion» que la plupart des cultures associent à l'idée de réutiliser des eaux usées ne doit pas être négligé.

Afin de faire avancer les innovations locales et internationales dans le secteur de l’eau, les futurs travaux de recherche doivent suivre une approche transdisciplinaire, étudier les systèmes socio-techniques selon une perspective intégrée et évaluer dans divers contextes les expériences réalisées grâce à des «projets phares». «Certains de ces phares apparaissent déjà dans des villes telles que San Francisco, Bangalore et Hambourg», déclare Sabine Hoffmann. Les échanges d’expériences et de connaissances restent néanmoins trop peu nombreux. «C’est pourquoi nous encourageons les ONG internationales, les réseaux urbains, les gouvernements et les financiers à renforcer les réseaux stratégiques afin de faciliter l’échange de connaissances et l’apprentissage mutuel».
 

Photo de couverture: Max Maurer, Eawag

Publication originale

Hoffmann, S.; Feldmann, U.; Bach, P. M.; Binz, C.; Farrelly, M.; Frantzeskaki, N.; Hiessl, H.; Inauen, J.; Larsen, T. A.; Lienert, J.; Londong, J.; Lüthi, C.; Maurer, M.; Mitchell, C.; Morgenroth, E.; Nelson, K. L.; Scholten, L.; Truffer, B.; Udert, K. M. (2020) A research agenda for the future of urban water management: exploring the potential of non-grid, small-grid, and hybrid solutions, Environmental Science and Technology, 54(9), 5312-5322, doi:10.1021/acs.est.9b05222, Institutional Repository

Pour de plus amples informations

programme de recherche Wings: Le programme de recherche inter et transdisciplinaire Wings travaille sur les systèmes d’eau et d’eaux usées alternatifs dans différents contextes socio-économiques (notamment en Suisse, aux USA, en France, en Inde, au Kenya).