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La production de médicaments laisse une empreinte dans le milieu aquatique

31 mars 2020 | Andri Bryner

Grâce à un stratagème étonnamment simple, une équipe de recherche est parvenue à détecter l'impact d'une usine pharmaceutique sur la qualité de l'eau en aval des traitements d'épuration : étant donné que les concentrations des substances émises évoluent de façon typique selon les cycles de production, il est possible de faire la distinction entre les effluents industriels et les eaux usées domestiques, même très en aval du point d'émission.

Les substances actives de médicaments et leurs produits de dégradation parviennent dans les stations d'épuration avec les eaux usées. Une partie se déverse alors dans les rivières car leur élimination dans les stations n'est pas totale. Il en va de même des substances émises par l'industrie pharmaceutique. Une équipe de recherche de l'Eawag, de l'ETHZ et d'une spin-off vient maintenant de démontrer qu'une usine pharmaceutique pouvait impacter à elle seule la qualité de l'eau de tout un fleuve.

Les émissions industrielles…

On sait très peu de choses sur la pollution des eaux par l'industrie pharmaceutique – notamment parce que les détails concernant la production sont confidentiels. L'équipe de recherche rassemblée autour de la doctorante Sabine Anliker et du chimiste de l'environnement Heinz Singer a maintenant analysé les effluents déversés par deux stations d'épuration du bassin du Rhin – l'une ne traitant que des eaux usées domestiques et artisanales, l'autre recevant également des effluents d'une usine pharmaceutique.

…révélées par leur évolution caractéristique

Les scientifiques ont prélevé quotidiennement des échantillons d'eau traitée pendant trois mois puis les ont analysés par spectrométrie de masse à haute résolution. Étant donné que les sociétés pharmaceutiques produisent en général certaines substances pendant certaines périodes, les scientifiques ont recherché les composés dont les concentrations variaient fortement. Ils ont ainsi identifié 25 substances, dont des antidépresseurs et des opioïdes, dont les concentrations présentaient une évolution typique et souvent cyclique et dont les valeurs maximales étaient bien supérieures à celles rencontrées dans les effluents domestiques.

Il pourrait être rentable d'améliorer le prétraitement

Les travaux effectués dans cette étude ne permettaient pas d'étudier les effets des effluents pharmaceutiques épurés sur l'écologie du milieu aquatique en aval de la station d'épuration. Mais Heinz Singer estime que les concentrations mesurées sont telles qu' «il pourrait être rentable, pour les fabricants, d'améliorer le prétraitement des effluents sur le site industriel». Singer avoue avoir surtout été très étonné de constater que l'évolution typique des concentrations était encore nettement observable à 100 kilomètres en aval, à la station de surveillance du Rhin à Bâle. «Donc, non seulement l'émission de quantités plutôt modestes d'effluents par un seul site industriel laisse une empreinte visible en sortie de station d'épuration, mais elle peut influer sur la qualité de l'eau de tout un fleuve, même l'un des plus importants d'Europe», écrivent les auteurs dans leur article qui vient d'être publié en ligne par la revue Environmental Science and Technology.

Ce texte se base sur le communiqué de presse de l'American Chemical Society ACS.

Principe de l'étude (Graphique tiré de l'article : Sabine Anliker)

Article original

Assessing Emissions from Pharmaceutical Manufacturing Based on Temporal High-Resolution Mass Spectrometry Data; Sabine Anliker, Martin Loos, Rahel Comte, Matthias Ruff, Kathrin Fenner, Heinz Singer; Environ. Sci. Technol; online publication: March 25th, 2020.  https://dx.doi.org/10.1021/acs.est.9b07085

Financement

Cette étude a été réalisée avec le soutien de l'Office fédéral de l'environnement.