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Lac Kivu: le risque d'une fuite de gaz mortelle ne s’accroît pas
22 octobre 2020
Reportage photo de la campagne de mesures de mars 2018 sur le lac Kivu, en Afrique de l'Est. Veuillez cliquer sur la photo. (Photos : Eawag)
Les profondeurs du lac Kivu dans la vallée du rift est-africain contiennent environ 60 milliards de mètres cubes de méthane (CH4) et 285 milliards de mètres cubes de dioxyde de carbone (CO2). Cela est unique au monde et suscite aussi des intérêts commerciaux. D’une part, la concentration en méthane est si élevée qu’elle permettrait de produire plusieurs centaines de mégawatts d’électricité pendant plusieurs décennies. D’autre part, la présence du gaz menace les 2 millions de personnes qui vivent aux abords du lac. Une éruption volcanique dans les profondeurs du lac pourrait provoquer un brassage soudain de l’ensemble du lac. Le gaz pourrait s’échapper brusquement et asphyxier les hommes et les animaux.
C’est pourquoi les chercheurs de l’institut de recherche de l’eau Eawag et d’autres institutions observent depuis de nombreuses années l’évolution de la concentration de gaz dans le lac. En 2004, les mesures, auxquelles a participé l’Eawag, indiquaient que les concentrations de CH4 dans le lac continuaient d’augmenter. C’est pourquoi la recherche supposait jusqu’à présent que le lac Kivu pourrait atteindre un niveau de saturation en gaz d’ici à la fin du 21e siècle et que le risque d’un dégazage spontané augmentait régulièrement.
Des concentrations de méthane plus stables que supposé jusqu’à présent
Les dernières mesures montrent toutefois que la concentration en méthane dans le lac est relativement stable depuis les années 1970 ou n’augmente que très lentement. Le lac semble se trouver dans un quasi état d’équilibre. Il est encore loin d’avoir atteint une saturation en CH4 susceptible de provoquer un dégazage spontané. Le risque d’une fuite de gaz catastrophique semble donc ne pas s’aggraver pour l’instant. Néanmoins, il ne peut pas être complètement écarté. Une éruption volcanique souterraine pourrait libérer brusquement le gaz, même avec des concentrations nettement inférieures au niveau de saturation.
Les derniers résultats sont moins réjouissants pour l’exploitation à long terme du lac Kivu comme source d’énergie. Les deux États adjacents, le Rwanda et la République démocratique du Congo, espéraient jusqu’à présent un renouvellement rapide du gaz prélevé dans le lac. Ceci leur permettrait en effet de produire de l’énergie en continu et sur une longue période. Mais les nouvelles mesures indiquent que cette source d’énergie ne se régénère que lentement. Lorsque le gaz actuellement présent dans le lac sera épuisé, l’énergie exploitable sera à long terme sensiblement moins importante que prévu.
La campagne de mesure fournit des données fiables
Les derniers résultats proviennent d'une campagne de mesure menée en mars 2018 par l’Eawag, en collaboration avec le Centre Helmholtz de recherche environnementale, l’université de Grenoble Alpes et le Lake Kivu Monitoring Programme, Rwanda. Les groupes de recherche ont employé différentes méthodes de mesure. Les chercheurs de l’Eawag pompaient à la surface en continu le mélange eau-gaz du lac, le séparaient en une phase gaz et une phase eau et déterminaient la concentration de gaz avec le Mini-Ruedi, un spectomètre de masse mobile développé par l’Eawag. Les chercheurs du Centre Helmholz remplissaient leurs éprouvettes d’échantillons directement dans le lac et analysaient le gaz à l’aide de la chromatographie gazeuse, tandis que le groupe de l’université Grenoble Alpes déterminait la concentration de méthane directement dans le lac par spectrométrie laser. Les équipes de chercheurs ont ainsi pu recueillir trois enregistrements de données indépendants avant de les comparer. Étant donné que ces derniers étaient pour la plupart concordants à l’intérieur des marges d’erreur, les chercheurs les évaluent comme fiables. Les résultats ont été récemment publiés par les chercheurs dans le magazine PLOS One.
Formation de fortes concentrations de méthane dans le lac Kivu
Des sources contenant du CO2 bouillonnent au fond du lac Kivu. En raison de la stratification verticale extrêmement stable du lac et de la pression élevée de l’eau, le dioxyde de carbone (CO2) reste dans les profondeurs du lac et s’y accumule. Les micro-organismes à leur tour produisent du méthane à partir du CO2 et de la matière organique immergée. Le méthane reste lui aussi stocké dans les eaux profondes du lac à cause de la stratification stable.
Publication originale
Photo de couverture: Eawag