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Les daphnies, des rapides de l'évolution
8 octobre 2019 |
Les daphnies, appelées puces d'eau dans le langage populaire, jouent un rôle très important dans la chaîne alimentaire des lacs : elles se nourrissent de phytoplancton et servent elles-mêmes de nourriture à des prédateurs, dont les poissons. Leur bol alimentaire varie fortement en fonction des saisons. Dans les lacs eutrophes, leur situation peut être précaire l'été car le phytoplancton y est dominé par les cyanobactéries. Or ces bactéries sont peu nourrissantes et contiennent souvent des toxines.
Des adaptations en l'espace d'une seule saison
On sait que certains génotypes de daphnie supportent mieux le régime à base de cyanobactéries que d'autres. Il semble donc logique que ces puces d'eau se développent plus fortement dans les lacs eutrophes, ce qui a effectivement été démontré dans une étude de plusieurs années menée il y a quelque temps au lac de Constance. Des biologistes de l'Eawag et de l'université Cornell ont maintenant cherché à savoir à quelle vitesse cette adaptation se produisait. L'étude, qui a commencé en 2015 par des prélèvements dans le lac Oneida, vient d'être achevée à l'occasion d'un séjour que le responsable du projet, Nelson Hairston Jr., de l'université étatsunienne, a effectué à l'Eawag dans le cadre d'un congé sabbatique.
Lynn Govaert, du département Écologie aquatique, explique : «Nous avons pu démontrer que les daphnies réagissaient aux variations de l'offre alimentaire dès la première saison et que les génotypes tolérants pouvaient alors déjà s'imposer. L'évolution peut donc être un processus très rapide.»
Une population plus importante grâce à l'adaptation des daphnies
Les daphnies tolérantes croissaient également moins bien lorsqu'elles devaient se contenter de cyanobactéries que lorsque leur régime alimentaire était plus varié – mais leur développement était tout de même bien meilleur que celui des autres daphnies, dont le taux de croissance s'effondrait littéralement en été. En conséquence, les daphnies tolérantes dominaient la population à la fin de l'été. «Nous avons par ailleurs pu démontrer, par modélisation, que le lac Oneida abriterait beaucoup moins de daphnies en fin d'été si cette adaptation évolutive n'avait pas lieu», ajoute Govaert, qui travaille également à l'université de Zurich. Et s'il y avait moins de daphnies, il y aurait, par exemple, moins de nourriture pour les poissons.
Un éternel recommencement
Toutefois, la composition de la population de daphnies ne change pas durablement. Du moins tant que la situation est à nouveau la même au printemps suivant et que le cycle du phytoplancton se répète tous les ans de la même manière.
Comme le souligne Govaert, l'étude avait pour but de mieux comprendre la dynamique entre consommateurs et source de nourriture dans le lac Oneida. Elle s'autorise cependant une hypothèse plus générale en regard des résultats : «Les changements climatiques peuvent, eux aussi, influer sur l'écologie du lac. Les résultats suggèrent que les daphnies pourraient également réagir à ces variations-là par des adaptations.»