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Les eaux ne contiennent qu’une faible proportion des nanoparticules d’argent issues des produits de consommation
18 avril 2013 |
Au firmament de la nanotechnologie, les nanoparticules d'argent brillent de l'éclat le plus vif – et pas seulement en raison des perspectives d'avenir qu'elles offrent, mais parce qu'elles sont présentes dans des centaines de produits de consommation déjà mis sur le marché. Ces nanoparticules sont utilisées par exemple dans les cosmétiques, les emballages de produits alimentaires et les produits de désinfection et de nettoyage. Il existe également une grande variété de chaussettes antibactériennes et de vêtements fonctionnels traités avec des nanoparticules d'argent. On estime à plus de 300 tonnes la consommation annuelle de nanoparticules d'argent dans le monde – dont une partie considérable transite par les eaux usées avant de se retrouver dans le cycle hydrologique. Dans le cadre du Programme national de recherche «Opportunités et risques des nanomatériaux» (PNR 64), une équipe dirigée par Ralf Kägi, de l'Eawag à Dübendorf, a étudié (*) pour la première fois précisément comment les nanoparticules d'argent se transforment sur le chemin qui les mènent du siphon à la station d'épuration, et sous quelle forme elles se retrouvent finalement dans l'environnement.
Echantillons d'eau et expériences en laboratoire
Les chercheurs ont recueilli des échantillons dans le système de collecte des eaux usées en Suisse afin d'examiner la manière dont les nanoparticules d’argent sont transportées. Ils ont parallèlement établi, grâce à des expériences en laboratoire, comment se comportent les différentes formes de nanoparticules d'argent lorsqu'elles sont en contact avec les eaux usées et dans les stations d'épuration. Il en ressort que ces particules ne restent pas longtemps sous leur forme métallique, mais se transforment très facilement en sulfure d'argent. «Nous estimons que la sulfuration se passe en grande partie déjà dans les égoûts», explique M. Kägi. C'est une bonne nouvelle car «l'argent cause beaucoup moins de problèmes sous forme de sel cristallin, car bien moins soluble». En effet, c’est avant tout sous forme d’ions dissous que l’argent est nocif pour l’environnement et empêche les bactéries des boues d'épuration de faire leur travail.
Les chercheurs de l'Eawag ont démontré clairement pour la première fois que les nanoparticules d’argent aussi se transforment rapidement en sulfure d'argent et ce indépendamment des revêtements qu’elles – jusqu'ici cet effet n’était connu que pour les effluents de l'industrie photographique. De toute évidence, la forme originelle de l'argent dans les eaux usées (nanoparticule métallique, ion d'argent dissous ou dépôt de sel d'argent non soluble) ne joue pas un rôle déterminant dans la sulfuration. La rapidité de la transformation en sel d’argent dépend toutefois beaucoup de la taille de la particule; en effet, les petites nanoparticules (10 nanomètres) se transforment plus rapidement que les plus grosses. Ces dernières peuvent ainsi disséminer des ions d'argent plus longtemps dans l'environnement.
Retirer efficacement l'argent des eaux usées
Les scientifiques ont également pu démontrer que les boues d'épuration retiennent environ 95% des nanoparticules. Seuls 5% de l'argent restent dans les eaux épurées; si l'on veut encore baisser ce pourcentage, il faudrait utiliser des filtres à particules plus performants. Il ne serait pas nécessaire d'aller dans l'ordre de grandeur «nano»: en effet, les nanoparticules de sulfure d’argent s'agrègent presque complètement aux particules plus volumineuses présentes dans les eaux usées, particules qu'il serait possible d'éliminer sans trop d'effort.
L'étude n'avait pas pour objectif d'analyser ce qu'il advient des nanoparticules d’argent présentes dans les boues d'épuration. La législation suisse n'autorise pas l'épandage de ces dernières sur des terrains à vocation agricole – elles sont pour la plupart incinérées. Cette manière de faire permet d'isoler les métaux lourds et d’éviter ainsi une forte dissémination dans l'environnement.
A propos du PNR 64
Le Programme national de recherche «Opportunités et risques des nanomatériaux» (PNR 64) a pour but de combler les lacunes existant dans nos connaissances actuelles afin que les opportunités et les risques de l'utilisation des nanomatériaux puissent être mieux évalués. Les résultats des 23 projets de recherche doivent notamment servir de base à l'élaboration de directives relatives à la production, à l'utilisation et l'élimination des nanomatériaux. Cela permettra de soutenir le développement et l'implémentation de technologies plus sûres, d'optimiser les bénéfices de l'utilisation des nanomatériaux et de minimiser les risques encourus par l'homme et l'environnement. Le PNR 64 dispose d'une enveloppe financière de 12 millions de francs et se déroulera jusqu'en octobre 2016. www.pnr64.ch
(*) Kägi Ralf, Voegelin Andreas, Ort Christoph, Sinnet Brian, Thalmann Basilius, Krismer Jasmin, Hagendorfer Harald, Elumelu Maline and Mueller Elisabeth. Fate and transformation of silver nanoparticles in urban wastewater systems (2013). Water Research: doi 10.1016/j.watres.2012.11.060
(peut être obtenu sur demande sous forme de PDF; e-mail: com@cluttersnf.ch)
Récolte d’échantillon dans une canalisation à Glattstollen (ZH).
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