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Recherche aérospatiale : comment se comportent les sols en état d’apesanteur ?

21 septembre 2018 | Stephanie Schnydrig

Lorsque les astronautes entreprendront à l’avenir de longues missions dans l’espace, ils devront pouvoir subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Alors comment devront-ils s’y prendre? Le but d’une expérience insolite entreprise à l’Eawag était de fournir un élément de réponse à cette question.

De tous temps, la vie sur notre terre a toujours été soumise à la pesanteur. Pourtant, comment les sols, plantes et autres organismes réagiraient-ils en absence de gravité ? C’est la question que se posent depuis toujours les scientifiques. Microbiologiste Hydrologue et physicien du sol à l’Eawag, Joaquin Jimenez-Martinez et ses collègues chercheurs aimeraient aussi comprendre comment l’apesanteur influence les processus du sol. En d’autres termes : comment l’eau, les microbes et les gaz se comportent dans les sols en absence de pesanteur.

Certes, ces réflexions peuvent paraître très théoriques mais à long terme elles ont pu s‘avérer utiles, notamment pour les astronautes. En effet, lorsqu’ils entreprendront de longues missions ou même coloniseront la lune ou Mars, ils devront subvenir eux-mêmes à leurs besoins et donc cultiver leurs salades ou leurs radis de leurs mains. « Dans ces circonstances, il est donc capital de savoir comment les plantes et les microbes du sol se comportent dans l‘espace », souligne Jimenez.

Duper la pesanteur l’espace de quelques secondes

Afin d’en savoir plus sur les sols en état d’apesanteur Jimenez et son collègue Benedict Borer (EPF Zurich) ont embarqué à bord d’un Airbus A310 Zero-G au début de l’été à Dübendorf, emportant avec eux des « analogues du sol ». Il s’agit de plaques poreuses contenant à l’intérieur de minuscules billes de verre qui imitent la structure des sols.

A bord de cet Airbus, Joaquin Jimenez-Martinez a effectué plusieurs douzaines de vols paraboliques pour son expérience.
(Photo : Joaquin Jimenez-Martinez)

Le clou : l’Airbus a effectué ce qu’on appelle des vols paraboliques au-dessus de la Mer Méditerranée. Il s’agit d’une manœuvre aérienne particulière destinée à créer une situation d’apesanteur. Pour cela, le pilote met les gaz vers le haut en effectuant une phase de propulsion à pleine puissance, engendrant quasiment un doublement de la pesanteur (1,8 g). Ensuite, il diminue la poussée des réacteurs – et soudain « il n’y a plus ni haut, ni bas, on flotte », rapporte Jimenez en arborant un large sourire. Cette impression dure bien 22 secondes. Ensuite, le pilote dirige l’appareil en phase de chute libre et le cycle recommence depuis le début. En tout, l’Airbus a effectué 32 vols paraboliques en deux jour au-dessus de la Méditerranée. « Ces manœuvres nous ont permis de simuler la pesanteur telle qu’elle est dans l’espace, sur la lune et sur Mars », explique Jimenez.

La pesanteur sur terre est de 1 g (soit 9,81 m/s²). Au cours d’un vol parabolique, il est toutefois possible de simuler une apesanteur de 0 à 1,8 g. (Graphique : Eawag).

Résultats attendus à l’été 2019

De cette expérience hors norme, Jimenez et Borer se souviennent certes de la sensation de vertige qu’ils ont eue, mais ils ont aussi recueilli toute une foule de données. En effet, pendant toute la durée du vol, ils ont filmé les modifications chimiques et celles de l’eau dans les analogues du sol à l’aide d’une caméra spéciale. Par ailleurs, des appareils de mesure ont enregistré la température, la pression et d’autres paramètres. « Maintenant, nous en sommes à la phase des évaluations qui durera plusieurs mois », déclare Jimenez et il est curieux des résultats qui devraient être disponibles l’été prochain.

Les deux physiciens du sol vérifient peu avant le départ si tous les appareils de mesure fonctionnent.
(Photo : Eawag) 

Jimenez et son collègue Benedict Borer lors d’un instant d‘apesanteur
(Photo : Eawag)