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Renaturer là où le bénéfice écologique est maximal
8 février 2019 |
Presque aucun fleuve, aucune rivière ni aucun ruisseau suisse ne s'écoule encore aujourd'hui dans son lit naturel. Depuis le XVIIIe siècle, la société suisse a maîtrisé près de 15 000 km de cours d'eau par le biais d'endiguements, de seuils et de corrections fluviales. Elle a ainsi créé des milieux aquatiques monotones qui ont beaucoup nui à la biodiversité. Les autorités fédérales ont pris conscience de cette situation et chargé les cantons de renaturer près de 4000 kilomètres de cours d'eau d'ici à 2090.
Cela étant dit, par où faut-il commencer ? Et sur quels critères faut-il se baser pour choisir les tronçons à renaturer ? Des scientifiques du département d'analyse des systèmes et de modélisation de l'Eawag se sont penchés sur ces questions et ont mis au point un nouveau système d'évaluation qui permet de tester, par modélisation, différents sets de mesures de renaturation. «Notre méthode permet de savoir à quel endroit une renaturation est particulièrement profitable à l'ensemble de l'écosystème, indique l'environnementaliste Nele Schuwirth, qui a élaboré le nouveau système avec Peter Reichert et Mathias Kuemmerle. Qui plus est, elle permet d'identifier les aspects critiques de l'état actuel des cours d'eau et de modéliser différents scénarios évolutifs afin de choisir les meilleures options d'intervention.»
Appréciation globale
Dans la nouvelle méthode, la première étape consiste à faire la synthèse des appréciations disponibles pour les différents tronçons du cours d'eau considéré : physico-chimie, biologie, écomorphologie etc. Ensuite, l'influence de ces différents tronçons sur l'état global du bassin versant est évaluée en se basant sur cinq critères :
- État écologique
- Possibilité de libre circulation des poissons dans le cours d'eau et ses affluents
- Présence d'habitats en bon état, étendus et d'un seul tenant
- Faible degré de fragmentation
- Diversité d'habitats conforme à la nature du milieu
La nouvelle méthode n'a pas uniquement pour ambition d'accroître le bénéfice écologique des renaturations mais également de faciliter la prise de décision. En effet, elle autorise une meilleure coordination des différentes mesures et permet d'intégrer dans le processus décisionnel les synergies et conflits avec les services importants liés à l'eau – la protection contre les crues et l'approvisionnement en eau potable, par exemple. «Une telle transparence est essentielle pour que les projets soient bien acceptés par la population», souligne Nele Schuwirth. La méthode élaborée par les scientifiques va maintenant être exposée aux représentants et représentantes des cantons pour être discutée et, au besoin, affinée.
Cette étude a été menée dans le cadre du projet européen «Aquacross» qui visait à soutenir les efforts de l'Union européenne pour protéger la biodiversité dans les lacs, les rivières, les eaux côtières et les milieux marins européens.