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La prochaine pandémie est prévisible, il est temps de prendre au sérieux la crise écologique
25 mai 2020
La pandémie du Covid-19 était inimaginable pour beaucoup. Elle a suscité les pires théories complotistes. Pour de nombreux chercheurs, cependant, une épidémie à large échelle n’a pas été une surprise. Début 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait d’ailleurs introduit une « maladie X » dans la liste des pathologies pouvant potentiellement provoquer un « danger international », invitant les gouvernements à anticiper et stopper les processus qui provoquent les épidémies de masse et pas seulement répondre aux maladies lorsqu’elles apparaissent.
De nombreux laboratoires dans le monde consacrent leurs efforts à comprendre les dynamiques épidémiologiques des nouvelles maladies infectieuses comme le Covid-19. Des pandémies ont déjà eu lieu, d’autres sont à prévoir, c’est une quasi-certitude. Les problèmes sanitaires, médicaux, sociaux et économiques que nous découvrons et vivons en ce moment sont énormes. Mais ils ne sont pas les seuls problèmes à résoudre.
L’épidémie actuelle appartient au groupe des zoonoses, maladies qui lient espèces sauvages, animaux domestiques et humains. L’humanité rencontrera toujours des espèces virales, microbiennes et parasitaires auxquelles elle n’est pas adaptée et contre lesquelles elle n’est pas préparée.
On estime que les 5’400 espèces de mammifères connus dans le monde hébergent quelque 460’000 espèces de virus, dont l’immense majorité reste à décrire. L’immense majorité de ces espèces virales sont inoffensives pour l’homme. Mais même un faible pourcentage d’espèces infectieuses constitue déjà une réserve d’agresseurs phénoménale : depuis des années, nous avons affronté le VIH, Ebola, la dengue, le Zika, Chikungunya, la fièvre de Lassa, le SARS, le H5N1, le H1N1, et bien d’autres maladies émergentes qui, étant moins spectaculaires, n’ont pas fait la une de l’actualité. Mais leur nombre semble en constante augmentation depuis un demi-siècle et les épisodes épidémiques se font de plus en plus fréquents.
Les mammifères sauvages ne représentent plus aujourd’hui que 5% de la biomasse des mammifères terrestres, les humains et leurs animaux domestiques représentant les 95% restants. On pourrait donc croire que la menace du passage du virus des mammifères sauvages à l’homme diminue avec leur régression. Le contraire se produit parce que l’empreinte humaine sur l’ensemble de la planète devient énorme. Comme indiqué dans le rapport global 2019 de la plate-forme intergouvernementale IPBES sur la biodiversité et les services écosystémiques (https://ipbes.net), notre empreinte sur l’ensemble de la planète devient problématique, notamment avec 75% des écosystèmes terrestres et plus de 65% des écosystèmes marins significativement modifiés par les activités humaines. Ces transformations causent une forte fragmentation des paysages naturels et entrainent une dégradation préoccupante de la biodiversité. Ceci a pour conséquence de perturber les chaînes alimentaires des espèces animales sauvages et peut provoquer des changements comportementaux qui poussent certaines de ces espèces à exploiter des ressources en lien avec les activités humaines. Ceci augmente les risques de transmission de pathogènes aux humains ou leurs animaux domestiques.
Les virus bénéficient de ce nouveau réseau de diffusion que leur ouvrent les interconnexions entre leurs hôtes potentiels. Aujourd’hui ceux qui nous menacent tirent avantage de l’expansion globale des activités humaines. Ainsi, un virus qui effectuait encore, en automne 2019, son cycle biologique dans une population de chauve-souris quelque part en Asie, émerge, quelques mois après, sur un marché chinois pour s’étendre à la terre entière en mars 2020 sous le nom de SARS-CoV-2. Apparemment, ce virus est entré en contact avec un autre virus transporté par le pangolin et aurait repris de celui-ci un gène très agressif pour l’être humain.
Les pandémies qui nous frappent ne sont qu’une facette du changement planétaire. Celui-ci inclut de manière tout autant préoccupante l’extinction massive d’espèces par la transformation des milieux naturels, notamment en raison de la disparition des habitats, l’extraction des ressources, la pollution généralisée de l’air, de l’eau et des sols et le dérèglement climatique. L’humanité est aujourd’hui confrontée aux conséquences pour elle-même de ses activités, résultant de ses choix économiques et politiques. Pour un développement durable, d’autres choix sont nécessaires qui sont liés étroitement à la préservation des environnements naturels. Comme le GIEC le fait pour le climat, l’IPBES dispose de nombreux faits et connaissances scientifiques pour renseigner les gouvernements sur les défis posés par la préservation des écosystèmes et de la biodiversité et sur les moyens d’y répondre. Il convient à tous les acteurs de la société, élues et élus politiques en premier lieu, de s’en saisir afin d’engager des politiques nationales et supranationales à la hauteur des enjeux.
Cette nécessité d’action politique pose immanquablement la question des verrous à lever dans la gouvernance de nos interactions avec la biosphère et la prise en compte de ses limites. Les soussignés demandent aux responsables politiques d’agir aussi et sans tarder sur les facteurs à l’origine de cette pandémie dramatique pour tenter d’éviter que cette pandémie ou une semblable ne se reproduise et pour l’inscrire dans une approche systémique tenant compte à la fois de nos besoins et des relations entre humains et avec l’ensemble des organismes vivants.
Pour aller dans la direction des changements nécessaires, nous demandons que soient prises des mesures novatrices pour contrer le changement climatique, pour protéger la biodiversité, préserver la forêt tropicale, les habitats naturels terrestres et aquatiques, ainsi que tout mettre en œuvre pour promouvoir une utilisation plus respectueuse du territoire, ainsi qu’une économie qui permette de diminuer de manière significative notre empreinte environnementale.
Signataires (ordre alphabétique)
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