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Le changement climatique impacte les systèmes de drainage urbain
27 février 2020 |
Les systèmes de drainage urbain comprennent des kilomètres et des kilomètres de tuyaux souterrains, qui évacuent l’eau hors de l’espace urbain de la manière la plus rapide et complète possible. Ce réseau de canalisations forme ce qu’on appelle l’infrastructure grise. Pour la compléter, on trouve une infrastructure dite bleue-verte, dont fait partie par exemple un espace vert drainé. L’eau s’infiltre sur cette surface, ce qui permet de ralentir et de réduire l’écoulement dans les égouts. L’infrastructure bleue-verte est une solution pour se rapprocher du cycle naturel de l’eau et diminuer les inondations en cas de précipitations extrêmes. Ce sera d’autant plus nécessaire à l’avenir que le changement climatique modifie les régimes de précipitations, plaçant les systèmes de drainage urbain face à de grands défis: les modèles climatiques montrent que les précipitations deviennent en général de plus en plus variables et que les événements extrêmes gagnent aussi bien en fréquence qu’en intensité dans bon nombre de régions du monde. «Pour faire en sorte que les systèmes réagissent comme nous le voulons, même dans des conditions modifiées, nous devons les suivre de très près», souligne Lauren Cook.
La pluviométrie, proxy de performance
Lauren Cook a mis au point une méthode permettant de surveiller la performance des bassins dits d’infiltration – le type d’infrastructure bleue-verte qu’on rencontre le plus fréquemment aux États-Unis – et d’estimer en plus comment cette performance évolue avec le changement climatique. Pour ce faire, elle a défini quatre paramètres de performance: le volume d’eau absorbé par le bassin d’infiltration, le volume d’eau se déversant dans les égouts, la fréquence à laquelle les eaux pluviales se sont écoulées dans les égouts et la durée maximale de séjour de l’eau à la surface du bassin. La chercheuse a mis ces paramètres en corrélation avec les mesures des précipitations accessibles au public. L’analyse a ainsi montré que pour la ville de Memphis par exemple, un plus grand nombre de jours de pluie de plus de 50 millimètres de précipitations s’était traduit par une plus petite capacité d’absorption. Étant donné que l’on sait maintenant de quelle manière ce paramètre précis relatif aux précipitations varie dans le cadre du changement climatique, on peut estimer comment le paramètre de performance qui lui est corrélé va réagir. Les résultats montrent que les données sur les précipitations permettent de prédire la direction du changement. Il est en revanche plus difficile de se prononcer sur l’intensité dudit changement, comme le fait observer L. Cook. «Nous pouvons prédire que la performance va se dégrader, mais à quel point, nous ne le savons pas». En outre, les liens de dépendance étaient variables dans les 17 villes étudiées, et chaque bassin versant réagissait aussi différemment. Dans chaque cas cependant, la méthode a été en mesure de démontrer quand il était temps d’agir, autrement dit de procéder à des ajustements de l’aménagement, comme agrandir les bassins par exemple.
Plus d’infrastructure bleue-verte pour la Suisse
La manière dont les systèmes de drainage urbain doivent être adaptés aux régimes de précipitations modifiés est un sujet majeur en Suisse aussi, explique Max Maurer, directeur du département Gestion des eaux urbaines à l’Eawag et professeur à l’EPF Zurich. Dans le cadre de ses propres travaux de recherche, il a analysé les conséquences du changement climatique sur le réseau d’égouts suisse. Mais il n’y a pas de signal climatique clair et net. Cela tient en particulier à la trop faible résolution spatiale et temporelle des modèles climatiques – lesquels en effet ne peuvent pas reproduire des épisodes isolés de précipitations courtes et violentes. Selon M. Maurer, il est difficile de dire si l’approche suivie par L. Cook pourrait fournir d’autres indices. «Compte tenu des fortes différences d’altitude en Suisse, le réseau pluviométrique local ne suffit pas pour représenter la variabilité pluviale». De plus, les dimensions des bassins versants du réseau d’égouts suisse sont différentes de celles des bassins d’infiltration étudiés aux États-Unis. Mais la méthode pourrait néanmoins s’avérer intéressante à l’avenir: pour faire face au changement climatique, on souhaite en effet se tourner vers l’infrastructure bleue-verte en Suisse, note l’expert. «C’est bien plus efficace que de se contenter d’agrandir une conduite». De plus, les technologies comme les bassins d’infiltration, les toits ou les façades végétalisés présentent de multiples bénéfices: en plus de réduire les inondations, elles rendent les villes plus attrayantes, les rafraîchissent et favorisent la biodiversité. Dans ce contexte, l’approche de L. Cook renferme un vrai potentiel, comme le confirme aussi Peter Bach, chercheur à l’Eawag sur le sujet de l’infrastructure verte en Suisse. «Les méthodes de ce type sont très précieuses, car elles permettent d’obtenir rapidement une estimation approximative et d’indiquer les domaines où des analyses plus poussées sont nécessaires», observe P. Bach.