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Surcyclage de déchets organiques

25 avril 2018 | Marianne Lucien (ETH), Stephanie Engeli

Des chercheurs de l’Eawag et de l’EPF Zurich sont en train de développer un procédé de récupération des déchets biologiques destiné à la production d’aliments pour animaux. C’est l’un des 14 projets du programme d’encouragement de la recherche de la Fondation Sawiris qui continue sur sa lancée. 

Les Nations-Unies estiment que dans dix ans la population mondiale aura encore augmenté d’un milliard. « Avec une croissance démographique aussi rapide, comment venir à bout des quantités de déchets en constante augmentation, surtout dans les villes des pays en développement où la santé des habitants et l’environnement sont déjà bien mis à mal ? » s’interroge Moritz Gold. Il participe en tant que doctorant aux travaux du groupe du Professeur Alexander Mathys (à l’EPF) et l’Eawag, et explore de nouvelles possibilités de mieux gérer les déchets et d’en faire des ressources durables. Il concentre ses efforts sur l’élevage de la mouche soldat noire Hermetia illucens nourrie avec des biodéchets provenant des ménages et des restaurants. Non seulement les larves de cette espèce de mouche décomposent les résidus des composts ; elles sont aussi une source de nourriture pour les animaux, par exemple pour les poissons.

Si le compostage est considéré dans bon nombre de pays comme peu rentable, l’élevage de larves de mouches, lui, permet de fabriquer un produit de qualité. « Les larves nourries à partir de déchets organiques pourraient, notamment dans le domaine de la pisciculture, fournir un aliment plus durable que les graines de soja et la farine de poisson », estime Gold. « Dans les pays en développement, les larves de mouches ne constituent pas seulement un bien commercialisable, mais aussi une source de revenus contribuant à concevoir un système de gestion durable des déchets et à couvrir les besoins en protéines d’une population soumise à une croissance démographique rapide. »

Tout commence dans la « cage d’amour »

Le surcyclage de déchets organiques commence dans la « cage d‘amour » – un filet mailles où les mouches soldats noires s’accouplent et les femelles pondent des œufs que Gold transporte ensuite dans son laboratoire où les larves éclosent. Lui et ses collaborateurs essayent d’optimiser le développement des larves en testant l’influence que peuvent avoir différentes compositions de biodéchets, et un supplément de microorganismes utiles, sur leur croissance. L’objectif de Gold est de mettre au point un régime alimentaire qui maximise la performance de compostage des larves.

Néanmoins ce type de production de larves pose une difficulté, à savoir que la composition nutritive des déchets urbains en général n’est pas homogène. Utiliser des déchets standardisés riches en nutriments comme ceux provenant de moulins ou de brasseries pour élever des larves ne serait donc pas une solution durable. En effet, les déchets en question peuvent être utilisés directement dans l’alimentation des animaux sans qu’il y ait besoin de passer par la production intermédiaire de larves.

Stabilité et sûreté du procédé

Que ce soit en Asie ou en Afrique, toute ferme d’insectes viable d’un point de vue économique a besoin d’une grande quantité de déchets pour fonctionner. Les travaux de recherche de Gold visent à développer un procédé à la fois sûr et stable, adapté aux types de déchets ménagers organiques les plus divers, comme par exemple les déchets des supermarchés et des restaurants, ou encore les boues fécales.

Le travail avec des déchets biologiques présente de multiples facettes et porte aussi bien sur des agents pathogènes que sur l’absence d’homogénéité de la composition nutritive déjà mentionnée plus haut. Gold se livre donc à des expériences d’alimentation contrôlées avec des larves stérilisées auxquelles il inocule des microorganismes spécifiques. Il voudrait ainsi étudier l’influence exercée par certains changements sur la croissance des larves.

Tout comme les êtres humains, les larves doivent se nourrir de manière équilibrée. Leur régime contient des protéines, des glucides et des matières grasses. Les mouches soldats noires ne s’alimentent qu’au stade larvaire, période pendant laquelle elles emmagasinent autant de nutriments et d’énergie que possible. Si les larves sont bien nourries, on peut les utiliser pour l’alimentation des animaux au bout de quinze jours, avant qu’elles ne se métamorphosent en mouches. Ces mouches ressemblent à des guêpes, vivent environ une semaine et sont inoffensives, car ce ne sont pas des nuisibles et elles ne transmettent aucune maladie.

Dans le cadre de son projet, Gold travaille aux côtés de Christian Zurbrügg du Sandec. Son projet relève aussi du World Food System Center de l’EPF Zurich. Le programme d’encouragement de Samih Sawiris finance aussi deux autres projets de l’Eawag : Barbara Ward du Département Sandec, cherche dans le cadre du projet « Décantation et déshydratation de boues fécales : construire des modèles fondamentaux pour améliorer l’assainissement global » à élucider les mécanismes sous-jacents qui contrôlent la séparation solides/liquides des boues provenant des systèmes d’assainissement sur site. Cela, dans le but de faciliter le transfert des technologies permettant de rendre l’assainissement plus accessible et plus efficace dans les zones urbaines de l’hémisphère sud. Quant à Dorothee Spuhler du Département Gestion des eaux urbaines, qui travaille sur une gestion durable des eaux usées au Népal et en Éthiopie dépuis 2015.

Samih Sawiris prolonge sa collaboration avec l‘EPF
Le projet de Moritz Gold n’est que l’un des 14 projets du programme « Engineering for Development » (E4D) subventionnés par la Sawiris Foundation for Social Development au cours de ces dix dernières années. Récemment, Samih Sawiris a décidé de prolonger son soutien aux boursiers de l’EPF de cinq années supplémentaires. « Dans chaque pays, il est primordial d’investir dans la formation. L’avenir du pays est d’autant plus sûr que les jeunes sont bien formés. La Suisse avec l’EPF Zurich, qui peut servir de référence en matière de formation solide et porteuse d’avenir, est pour nous un excellent partenaire d’investissement », a déclaré l’homme d’affaires égyptien hier lors de la cérémonie de signature. En présence de membres de la Direction de l’EPF, il a remis un chèque de 1,8 millions de francs à la Fondation EPF.

« Cage d’amour » des mouches soldats noires à l’Eawag.
(Photo : Eawag)

Les larves de mouches soldats noires séchées servent de matières premières à la production de nourriture animale.
(Photo : Eawag)

Samih Sawiris (à droite) en compagnie de la rectrice de l’EPFZ, Sarah Springman, après la signature de l’accord.
(Photo : EPZ Zurich / Andreas Eggenberger)