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Une idylle ternie : lagune surfertilisée par les eaux souterraines en Espagne

6 août 2018 | Irene Bättig

Les lagunes sont des habitats précieux et intéressants pour le tourisme. Dans le cas de la « Mar Menor », située dans la province espagnole de Murcie, la profusion de substances nutritives véhiculées par les eaux souterraines dans l’écosystème unique de la lagune est telle que la prolifération d’algues empêche la baignade. En collaboration avec l’Eawag, des chercheurs espagnols ont modélisé les flux d’eau souterrains afin de pouvoir développer de meilleurs scénarios de gestion. 

Tomates, concombres ou piments – beaucoup de légumes vendus dans nos supermarchés proviennent d’Espagne, en particulier de la province de Murcie. La production agricole prédomine aussi dans les alentours de la lagune «Mar Menor». Depuis 1979, le canal Tage-Segura apporte du nord du pays de l’eau douce destinée à l’irrigation agricole de la région. Pour compenser les fluctuations du niveau d’eau du canal pendant la période sèche, de l’eau est pompée en plus dans les nappes phréatiques. La partie supérieure du système d’eaux souterraines alimente en même temps aussi la lagune « Mar Menor ». Ainsi, une grande quantité d’azote provenant des sols exploités de manière intensive parvient dans les eaux chaudes de la lagune – conduisant à une surfertilisation des eaux et une prolifération des algues. Il devient impossible de se baigner dans ce bouillon verdâtre.

En quoi l’apport d’eaux souterraines influence-t-il la qualité de l’eau de la lagune ? Dans quelle mesure peut-on utiliser la nappe phréatique sans incidences négatives ? Pour répondre à ces questions, l’Organisation des irrigateurs régionaux a fait analyser les cours d’eau souterrains.

Des spécialistes de l’hydrologie, de la géographie, de la géoinformation et de la protection de l’environnement – avec parmi eux Joaquín Jiménez-Martínez de l’Eawag – ont développé un modèle hydrogéologique basé sur des données recueillies entre 2000 et 2016. Ce modèle permet, indépendamment des conditions météorologiques, de chiffrer les eaux de précipitation et d’irrigation qui s’infiltrent dans les eaux souterraines et parviennent, de là, dans la Mar Menor. Combinés avec des analyses chimiques des eaux souterraines, ces chiffres permettent de calculer la charge de substances nutritives.

Aidés de ce modèle hydrogéologique, les chercheurs veulent dans un deuxième temps évaluer en quoi de nouveaux systèmes de drainage, des utilisations supplémentaires des eaux souterraines ou le changement climatique ont un impact sur les arrivées d’eau dans le « Mar Menor ». L’objectif est d’optimiser la gestion des eaux dans la région pour être en mesure de protéger cette lagune exceptionnelle de la surfertilisation. L’avenir dira si ce n’est pas déjà trop tard.

La « Mar Menor » dans la province espagnole de Murcie est la lagune salée plus grande d’Europe.
Photo : Ayuntamiento Cartagena

Irrigation moyenne (à gauche) et alimentation moyenne des eaux souterraines (à droite).